À travers différents médiums, Tony Regazzoni revisite un vocabulaire formel lié à l’histoire de l’abstraction tout en y mêlant habilement iconographie pop, culture gay, esthétique underground, influences musicales, littéraires et cinématographiques. Préoccupé par les notions d’artifice et de vérité des représentations, son travail révèle les mises en scène parfois complexes de construction sociale ou identitaire. L’artiste traite ainsi des rituels nocturnes et de leurs sanctuaires, actuels ou anciens : la boîte de nuit, la fête foraine, tout comme les monuments mégalithiques.
Après avoir décliné les diverses formes et interprétations de l’éclipse, aussi bien à travers sa représentation ancestrale (peinture rupestre) que contemporaine (une boule à facettes de discothèque), pour la biennale de Sélestat, Tony Regazzoni développe une œuvre inédite intitulée Equinox. À cet effet, il n’est pas anodin que l’artiste ait investi l’espace d’un rond-point : commune et minimale, cette forme ronde pragmatique et familière de notre environnement quotidien n’en demeure pas moins un marqueur spatial, générant des perspectives dans le tissu urbain qui pourraient rappeler la disposition de certains cromlechs ancestraux comme le site mégalithique de Stonehenge par exemple. Une telle localisation lui permet de brouiller les pistes et détourner l’aspect purement décoratif de la " sculpture de rond-point ", devenu un genre en soi. Il entremêle ici des éléments sculpturaux rappelant des formes géométriques simples et minimales à ce qui pourrait s’apparenter à des vestiges séculaires. Sous-entendant le potentiel de rituel qu’une telle installation induit, Tony Regazzoni n’hésite cependant pas, dans le même temps, à déconstruire l’illusion que sa sculpture produit : en en faisant le tour, on s’aperçoit qu’il s’agit bel et bien d’un simulacre de cromlech, à l’image d’une scène de théâtre que tout un chacun pourrait investir.
Marc Bembekoff
Equinox , 2013
Matériaux divers, dimensions variables
Courtesy de l’artiste et de la galerie ACDC, Bordeaux
L’œuvre est visible sur le rond-point de l’avenue du Dr Houillon