Draps tressés. Création pour la Biennale 2023
Lors de sa découverte de Sélestat, Garance Alves fut immédiatement interpellée par la Tour des sorcières. Le nom de ce bâtiment emblématique laisse deviner son passé mystérieux. Porte d’entrée sur la ville, mais aussi rempart défensif, ses façades révèlent une architecture carcérale. La tour était une prison destinée aux personnes qui pratiquaient la sorcellerie. Elles y étaient enfermées avant leur exécution (les procès pour sorcellerie se sont tenus à Sélestat au XVIIe siècle). Pour Garance Alves, l’évidence fut de créer une installation en écho à ce passé, composée de draps blancs noués et suspendus le long des meurtrières de la tour. Le tissu s’entrelace et forme une longue tresse, déployée sur la façade du bâtiment. Porteurs de récits, les draps suggèrent une évasion romanesque : quelques tissus noués permettraient-ils de s’échapper de la prison ?
Garance Alves est née à Clermont-Ferrand en 1993, où elle vit et travaille.
Sa démarche pluridisciplinaire aborde le concept de seconde peau. Elle travaille souvent à partir d’objets du quotidien et en particulier de vêtements, envisagés comme supports à des fragments d’histoires. Par la photographie, le dessin ou l’installation, elle explore le corps humain, son empreinte, sa trace ou son absence. Son travail sera prochainement montré en Turquie à l’occasion de l’Izmir Mediterranean Biennial en 2024.
- Tour des sorcières
Tissu imprimé et peinture. Création pour la Biennale 2023
À la fois création numérique et peinture, Le cycle des choses est une installation hybride. Camille Beauplan représente un enfant qui essaie de maintenir un château de sable face à la marée montante. Tel un motif à répétition, l’enfant et son geste sont multipliés, superposés.
L’ensemble crée un étirement de l’action dans le temps et l’espace, une sorte de vision kaléidoscopique. On peut entrevoir le courant ou le début d’une vague, une matière emmêlée et même une forme étrange qui termine sa course circulaire dans l’eau. Elle finit par s’y fondre. Une partie du château est maintenue dans les mains de l’enfant, l’autre glisse et fusionne avec l’eau. Le corps de l’enfant démultiplié devient une peau. La scène se déroule hors du temps, comme sur une île artificielle. Camille Beauplan opère une boucle infinie du château à l’enfant, au geste, à l’eau, au château et ainsi de suite.
Camille Beauplan est née à Marmande en 1984, elle vit à Bègles.
Par la peinture ou le collage numérique, elle observe les mutations et l’absurdité de la société, en tension entre le passé et le futur. Ses images sont figuratives et tragi-comiques. En s’appuyant sur l’onirisme des formes et des couleurs, elles abordent nos instabilités par le prisme de la fiction et de l’imaginaire. Camille Beauplan prépare une exposition à la galerie Antoine Dupin en Bretagne.
- Château d'eau
Plâtre naturel, oxyde noir. Création pour la Biennale 2023
Hugo Bel crée des formes énigmatiques, souvent en plâtre et en dialogue avec leur lieu d’implantation. Éphémères et fragiles, ses oeuvres semblent hors du temps, en apesanteur. La sculpture Paysage mental représente un espace délimité par une paroi ondulante aux dégradés de gris. L’artiste réalise une première fois en 2021 ce type d’installation à Toulouse, dans la cour centrale du Castelet (ancienne
prison Saint-Michel). À Sélestat, une succession d’architectures défensives rythment la ville. La paroi, constituée d’une superposition de colombins de plâtre naturellement teintés en noir, matérialise les pensées d’une personne enfermée dans une enceinte.
Hugo Bel est né aux Lilas en 1990, il vit en Normandie.
Ses sculptures in situ questionnent notre rapport à l’impermanence. Face à ses installations aux matériaux éphémères (comme le plâtre ou le sucre) et aux formes précaires que génèrent ses créations, nous sommes invités à découvrir une métamorphose. Son travail est présenté dans le livre publié par Neli Dobreva en 2023 sur les « objets hybrides » du penseur Bruno Latour (Objets vivants, Formes de vie et autonomie du non-vivant aux éditions Mimesis).
- Place de la Victoire
Photographies sur dibond
Les quatre photographies intitulées Bichromie au regard trompeur, Dîner des Anonymes, Les enfants de la République et L’heure de la lecture sont disséminées à travers le centre-ville. Initiée en 2014, Pandore rappelle les compositions sophistiquées des peintures flamandes. Les personnages d’Halida Boughriet s’inscrivent dans un décor nébuleux où le faux-semblant prédomine. Le titre de la série fait référence à la mythologie grecque : Pandore est la première femme, créée sur l’ordre de Zeus et envoyée sur Terre avec un mystérieux récipient. Dans un poème, Hésiode raconte comment la curiosité de Pandore la mène à ouvrir le récipient, libérant des malédictions physiques et émotionnelles sur l’humanité. Elle devient malgré elle l’instrument de la vengeance de Zeus. La traduction d’Erasme dans Les Adages transforme la jarre en boîte.
Halida Boughriet est née à Lens en 1980, elle vit à Choisy-le-Roi.
Au carrefour de préoccupations esthétiques, sociales et politiques, ses photographies s’efforcent de saisir les tensions contenues dans les relations humaines. L’artiste consacre ses recherches à la déconstruction des stéréotypes, dans une volonté de rendre visibles les subjectivités historiquement sous-représentées dans la culture visuelle. Son travail a récemment été présenté dans l’exposition Modernités arabes, collection du musée de l’Institut du monde arabe à Rabat.
- Square Ehm, rue de l'Hôpital, école du Centre, rue de l'église
Terres cuites et tronçons de bambou. Création pour la Biennale 2023
Au détour d’un petit espace vert en forme de triangle et auprès de la Bibliothèque Humaniste qui regorge de manuscrits et imprimés anciens ou modernes, de drôles de bras parallèles sortent étrangement du sol. Ils poussent, s’étirent, penchent et semblent s’engluer. Les bras de bambou accueillent au sommet des gants de jardinier. Observentils les passants ? Ces gants en terre cuite ont l’air tantôt réels ou imaginaires, comme s’ils venaient de s’échapper d’un conte pour enfants. Avec Croissance, Estelle Chrétien rend hommage aux jardiniers oeuvrant dans les espaces verts de Sélestat et partout ailleurs dans les villes. L’artiste évoque leur présence souvent discrète. Jouant avec la morphologie des bambous, leur structure longiligne, l’oeuvre d’apparence légère détourne la croissance des plantes de manière absurde et suggère un questionnement sur l’expansion humaine et ses limites, voire sur la noyade potentielle de la société productiviste.
Estelle Chrétien est née à Bar-le-Duc en 1988, elle vit à Nancy.
Sa démarche se construit en trébuchant sur des matériaux et des idées, au fil des rencontres et des lieux, dans un rapport d’éponge à son environnement. Ses sculptures et installations entretiennent un dialogue des formes avec les matières, créant souvent un décalage qui fait dévier le récit.
À l’automne 2023, l’artiste présente une exposition personnelle à la galerie Modulab à Metz.
- Place Gambetta
Drapeaux
Les Empathy Flags de Markus Hansen présentent des compositions métissées. Les couches de couleurs et de formes se fondent les unes dans les autres, usant des caractéristiques des drapeaux nationaux pour célébrer le flou de l’identité. Symboles, couleurs et mouvements sont en permutation constante. Ces nuances multicouches génèrent de nouvelles variations infinies. Les drapeaux de l’empathie s’amusent à esquiver les définitions, ils créent un terrain instable quant à notre identification personnelle. Inventé au XIXe siècle, le concept d’État-nation invoquait la sécurité des personnes et des pays pour les rattacher à une identité fixe et éternelle. Peut-être pourrions-nous aujourd’hui célébrer les migrations et le flou de l’identité ?
Markus Hensen est né à Heidelberg en 1963, il vit à Londres.
Il a passé son enfance entre Baden-Baden et Liverpool où, en tant qu’enfant allemand, les problématiques d’altérité et d’intégration se sont imposées à lui. L’identité, la construction de soi, la communication entre les individus ou les générations traversent son oeuvre. Markus Hansen est lauréat de Mondes Nouveaux à la Citadelle de Salses, où son installation sera présentée en fin d’année.
- Parc des remparts
Tissus imprimés et ornés. Création pour la Biennale 2023
Shivay La Multiple fait émerger de nouveaux récits visuels qui oscillent entre le rêve et la réalité et crée des lignes de fuite vers des cosmos inédits. À la façon du ruban de Möbius, sa recherche serpente l’espace et le temps, les mondes physiques et numériques.
À Sélestat, l’artiste rend hommage aux fleuves, rivières et courants. Depuis trois ans, Shivay La Multiple observe et étudie le Fleuve en tant qu’entité économique, politique, poétique et mythologique.
Sous la forme d’installations en archipel, l’artiste met en forme un conte initiatique qui navigue le long des rives des fleuves Maroni, Congo, Sénégal, Casamance et aux chutes Itanda, sources du Nil.
Shivay La Multiple naît à Besançon en 1993, grandit en Nouvelle-Calédonie / Kanaky et vit à Paris.
Par l’usage d’une pluralité de techniques artisanales ou numériques, l’artiste crée des ouvertures vers de nouveaux mondes atemporels. Sa recherche navigue du global au viscéral, du macro au micro, du rêve à la réalité, du physique au numérique. En 2023, Shivay La Multiple remporte la mention Ateliers Médicis du prix COAL et présente en octobre son travail au Centre Wallonie Bruxelles.
- Tour neuve
Vidéos
Depuis plusieurs années, Pascal Lièvre étudie les féminismes à travers le monde. L’artiste tente de retranscrire par les moyens de l’art des corpus théoriques ou activistes. Rêver l’obscur est une oeuvre vidéo évolutive.
En 2016, Pascal Lièvre a présenté une première version à Roubaix avec cent noms de femmes, théoriciennes et activistes nées au XXe siècle. À chaque exposition, de nouveaux noms viennent nourrir les vidéos.
Cette chaîne ininterrompue fait face à l’oubli des revendications, des luttes et de l’existence de ces femmes. En écrivant de façon consécutive leurs noms dans des aplats de paillettes noires, Pascal Lièvre leur fait honneur. Le corpus s’est aujourd’hui élargi aux hommes et femmes cisgenres transgenres féministes des cinq continents pour atteindre 177 personnes nées entre 1900 et 1997 dans 96 pays différents.
Pascal Lièvre est né à Lisieux en 1963, il vit à Paris.
Dans les années 1990, il est d’abord artiviste, puis apparaît sur la scène de l’art contemporain en 2000 avec une pratique de l’art vidéo et de la performance fondée sur des reprises de performances d’artistes femmes.
À l’automne 2023, son travail est présenté au Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg dans le cadre de l’exposition Aux temps du sida. Oeuvres, récits et entrelacs.
- Mairie, Hôtel de Ville, place du Vieux marché aux vins
Dessins à l’argile, grès cirés. Création pour la Biennale 2023
Une dizaine de dessins ponctuent les quartiers de Sélestat, de la Mairie au quai de l’Ill, de l’hôtel d’Ebersmunster à la commanderie St Jean jusqu’au Parc des Remparts… Saurez-vous les retrouver ? Clément Richem a arpenté Sélestat, ses axes majeurs comme ses ruelles à la découverte de la ville et son Histoire. Les petites scènes dessinées sont des narrations reliées à la mémoire des hommes et de la Terre. Comme des réminiscences, les plaques d’argile sont des fragments mémoriels.
Par une composition minutieuse, l’invisible remonte à la surface.
Clément Richem est né à Lons-le-Saunier en 1986, il vit dans le massif des Vosges.
Clément Richem interroge les relations entre humanité, nature et matière. Utilisant la gravure, le dessin, la sculpture ou la vidéo, il cristallise ses réflexions autour de processus de construction et de destruction, inhérents à la vie et à la création. En 2022, il co-fonde avec Claire Hannicq l’Atelier Faires qui accueille des artistes en résidences dans les Hautes-Vosges. Clément Richem prépare une exposition personnelle au Musée des Maisons Comtoises à Nancray en 2024.
- Quai de l'Ill, boulevard Vauban, quai des Tanneurs, rue de la porte de Brisach, mairie, église Sainte Foy, square P.L Weiller, hôtel d'Ebersmunster, commanderie Saint-Jean, parc Adélaïde Hautval, lycée Koeberlé
Installation sonore. Création pour la Biennale 2023
Vents populaires est une installation sonore interactive qui rassemble une étendue de patrimoines musicaux provenant des régions et pays d’alentour. Mathias Tujague fait voyager les cultures au gré des vents, sans haltes ni frontières. Thermomètres des sociétés d’antan, les chants ont traversé les époques de génération en génération, se sont souvent fait oublier, ont resurgi parfois des siècles plus tard.
Vents Populaires mêle météorologie, géographie, analyse de données et chants populaires. L’installation se compose d’une girouette anémomètre placée en haut d’un mât qui capte la direction et la force du vent. Les données relevées sont traitées en temps réel par un programme informatique développé pour l’occasion. En fonction de la direction du vent, les haut-parleurs situés à mi-hauteur du mât émettent des chants correspondant à la provenance géographique du vent. Une assise circulaire entourant le mât permet aux personnes de s’asseoir sous la douche sonore. La forme et l’agencement des lattes reprennent les différentes directions possibles du vent.
Mathias Tujague est né à Dieppe en 1980, il vit à Bordeaux.
Sonores ou muettes, les sculptures de Mathias Tujague ont pour point de départ des éléments quotidiens que l’artiste reproduit en changeant de matériaux et d’échelle, ôtant leur fonctionnalité ou la laissant subsister comme trace. Depuis l’an dernier, il mène un projet intitulé Quartz Noir pour lequel il a été récemment en résidence au Bel Ordinaire près de Pau.
- Place de la République
